Avant de commencer, je souhaitais donner quelques précisions sur le titre choisi pour résumer en trois mots cet article. ANSCHLUSS… Pourquoi utiliser un mot allemand alors que le français regorge de termes pour évoquer une annexion ? Vous l’avez deviné. Parce que dans l’art de l’annexion, nos amis germaniques sont passés maîtres. L’histoire les élève sans conteste au dessus des autres. Et force est de constater que Vladimir Poutine connaît l’histoire… Donc, commençons par un petit rappel historique, puis osons le parallèle avec les événements actuels de Crimée.
1938
La Bohème, voisine de l’Allemagne nazie (depuis 1933), mais partie de ce qui est encore la Tchécoslovaquie, revendique son rattachement au grand-frère allemand. Pourquoi ?
Depuis le moyen âge, les rois de Bohème courtisent la main d’œuvre allemande qualifiée. Ils cherchent en effet à mettre en valeur leurs terres dépeuplées. Rapidement, la minorité germanophone devient la majorité ou, en tout cas, l’élite, protégée, favorisée, choyée par la mère-patrie.
1918 -1938
Ce qui fut l’empire des Habsbourg est démantelé par les Alliés (traité de Sèvre) La Tchécoslovaquie est constituée, érigée sur ses cendres encore chaudes. La bohème y est intégrée, contre l’avis des quelques 40% d’Allemands qui y résident alors : ils sont furieux, car depuis toujours opprimés (ce qu’ils disent) par le pouvoir central. Le Führer l’a promis dans Mein KAMPF (1923) : il fera ce qu’il faut… pour rassembler tous les “vrais Allemands” dans son grand Reich. Un an avant le début de la seconde guerre mondiale, HITLER masse ses troupes aux frontières de la Bohème, officiellement pour “des manœuvres prévues de longue date”. Il agite les élites et partis nationalistes locaux, pro-germaniques, pour alimenter les revendications visant le rattachement à l’Allemagne..
Il sait la faiblesse des grandes démocraties écœurées par le carnage de la grande guerre ; il sait que ni la France, ni l’Angleterre ne bougeront pour cette terre lointaine. Nul ne veut à Paris mourir pour les Sudètes. Les accords de Munich (1938) lui donneront raison. La Bohème est intégrée au REICH sans un coup de feu.
2014
Le nationalisme russe, humilié depuis le démantèlement de l’Union soviétique, se réveille. Poutine, sûr de sa force et de l’inertie des Occidentaux, agite les élites russes de Crimée, depuis longtemps majoritaires. Elles sont déjà constituées en partis politiques pro-Russes et exigent le rattachement à la grande Russie. POUTINE engage des manœuvres militaires (selon lui programmées depuis longtemps) aux portes de Sébastopol, pour montrer qu’il ne plaisante pas (mais on le savait déjà).
Les grandes démocraties feront-elles mieux que Daladier et Chamberlain à Munich ? Pour l’instant, la réponse est négative : nous nous complaisons en indignations, en discours à peine menaçant. POUTINE a gagné son Pari. Personne n’est prêt à mettre en péril de juteux contrats pour défendre la Crimée.
Après l’annexion
une fois les Sudètes intégrées au Reich, Hitler se tourna vers l’Autriche. Utilisant la même technique, sachant ne risquer que de simples protestations internationales convenues, comptant sur les agitateurs en place à Vienne et ailleurs. Il plia l’affaire en quelques jours. Bien vu. A l’ouest, on n’était guère prêt à risquer le sang pour ces terres lointaines… Seul Churchill fut clairvoyant, s’adressant au couple pathétique formé à l’occasion (Chamberlain-Daladier) : ” vous aviez le choix entre la honte et la guerre, vous avez choisi la honte et vous aurez la guerre !”
Une fois la Crimée dans l’orbite Russe, nul ne sait ou s’arrêtera Poutine…
Petite revue de presse pour se faire peur :
“Nous défendrons les intérêts [des Russes vivants à l’étranger] (…). Nous insisterons pour que, dans les pays où vivent nos compatriotes, leurs droits et libertés soient pleinement respectés”. Sergueï LAVROV – mars 2014
"Il y a beaucoup de choses en commun entre les événements en Crimée et la situation en Transnistrie. Nous avons des informations selon lesquelles des choses précises sont entreprises pour déstabiliser la situation" en Transnistrie - Nicolae Timofti - président MOLDAVE - mars 2014
La Transnistrie ?
Officiellement partie de la Moldavie, la Transnistrie, petit territoire coincé entre l’Ukraine et la ROUMANIE, avec l’aide de Moscou a fait sécession en 1992. Le même scénario s’est répété : présence de troupes russes sur le terrain ; référendum en 1996 ; plus de 95 % de votants plébiscitant le rattachement à la Russie ; applaudissement en Russie…, L’hsitoire n’est pas terminée.
Comparaison n’est pas raison
Aussi, je propose ici la la lecture de l’excellent Gary KASPAROV, ancien champion du monde d’échecs, et meilleur ennemi interne de POUTINE : «Ce n’est pas Hitler. Mais nous devons le stopper quand même.»
Extrait de son interview au GUARDIAN
«Ceux qui pensent que c’est une exagération oublie un facteur important. Hitler en 1936 était vu comme un politicien tout à fait respectable et légitime»
Il tempère ensuite dans POLITICO
«Si Poutine voulait faire une meilleure imitation d’Adolf Hitler dans les années 1936-1938, il n’aurait qu’à se laisser pousser une petite moustache.»
Extrait de l’article du monde de février
Pour Kasparov, la crise qui a débuté en Ukraine et qui concerne aujourd’hui particulièrement la Crimée, ressemble étrangement à l’Anschluss (annexion de l’Autriche* par l’Allemagne en 1938). L’objectif de son analogie, dit-il, est de «tirer les leçons de l’histoire». Car, malheureusement, la comparaison s’applique également à la tendance des pays occidentaux à laisser faire:
Kasparov se dit surpris de la façon dont les actuels dirigeants ont légitimé Poutine et l’ont aidé à prendre du pouvoir:
Cette analogie est reprise par certains médias, souligne le joueur d’échecs. Le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, traduit par Courrier International, détaille:
” vous aviez le choix entre la honte et la guerre, vous avez choisi la honte et vous aurez la guerre !”
Winston CHURCHILL
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