Hubert REEVES répond aux Bogdanov

Nous l’avons vu dans un article précédent (La fin du hasard), les Bogdanov ne croient pas à l’existence du hasard : partant du principe d’inertie de Descartes (qui date un peu !), ils affirment que rien n’arrive sans raison.

Hubert REEVES répond aux Bogdanov

Nous avons vu que cette thèse conduit naturellement à considérer que notre Univers a été “réfléchi”, élaboré à partir d’un “projet”, dessiné sur une table à dessin avant de voir le jour. Elle conduit donc également à reconnaitre implicitement l’existence d’un grand créateur, un être supérieur à notre Univers (puisqu’il l’a conçu), qui existait avant lui et qui lui a donné forme dans un but bien précis : l’apparition de la vie en général et de l’homme en particulier.

La thèse des jumeaux peut se résumer ainsi : le hasard n’existe pas donc Dieu existe.Donnons la parole maintenant à Hubert REEVES

Démocrite le Grec, philosophe présocratique ayant le premier introduit l’idée d’atome et père spirituel d’Épicure (l’anti-Platon par excellence) affirmait une chose étrange :

Tout arrive par hasard et par nécessité. Démocrite

Cela paraît, au premier abord, absurde, voire contradictoire. On a en effet, de tout temps, rangé les philosophe dans l’une des deux cases (déterministes ou hasardeux), mais pas dans les deux. Nous l’avons vu Descartes, mais aussi Leibniz (le meilleur des mondes possibles) et d’autres étaient de la première catégorie. Nietzsche, Schopenhauer de la seconde.

Que voulait donc dire Démocrite ? Examinons son affirmation avec les bases scientifiques contemporaines pour montrer qu’il avait, semble-t-il, raison !

La nécessité d’Hubert REEVES

Le fonctionnement de la nature répond à la nécessité. Quatre forces (la gravité, la force électromagnétique, la force nucléaire forte, et la force nucléaire faible) ont existé de tout temps (15 milliards d’années) et sont restées inchangées depuis. Leur “réglage” a conduit à l’Univers tel que nous l’observons aujourd’hui. Une variation infime de leur intensité (les modélisations numériques l’ont montré) conduit à des univers stérile, sans vie, voire par d’univers du tout. Bref, il semble que cette observation donne raison aux Bogdanov.

Le hasard d’Hubert REEVES

Mais la nature laisse une place au hasard et je peux le démontrer par un exemple. Il y a aujourd’hui sur terre près de 6 milliards d’individus. Il obéissent tous aux quatre forces, pourtant il n’y en a pas deux identiques.

Si la nature n’était gouvernée que par la seule nécessité, tout serait identique, immuable, figé, in-changeant, comme un corps pris dans la glace.

A contrario, si la nature n’obéissait qu’au hasard, rien ne pourrait se structurer, s’organiser.

Le hasard et la nécessité d’Hubert REEVES

La nature fonctionne avec les deux ! La nécessité (imposée par les quatre forces) permet à la matière de se structurer, de s’organiser. Mais le hasard perturbe ce mécanisme bien huilé et lui assure ainsi “une certaine inventivité”.

Le futur (de l’Univers) est déterminé dans ses grandes lignes : on sait à quel place sera demain, dans un millions d’années, la lune ou la comète de Halley. Mis ce futur reste indéterminé dans ses détails ! Nul ne sait dire comment le génome humain évoluera, à quel moment l’atome d’uranium va se désintégrer.

Nous pouvons aussi aborder le problème du hasard et de la nécessité sous un angle plus philosophique. Nous pouvons par exemple nous demander si ce jeu du hasard et de la nécessité est apparu par hasard.
Les matérialistes répondent que oui. D’autres personnes font appel à Dieu.
Le hasard intervient en fait à deux niveaux : un où il est réellement présent et un où il peut être l’objet de discussions. Hubert REEVES.