La Syrie, l’Irak et la Turquie…

Ben Laden (un Sunnite) y avait pensé ; Abou Bakr al-Baghdadi (un Irakien, né en 1973) l’a fait… Restaurer le Califat sunnite de feu l’empire Ottoman.

Le lointain aïeul d’Abou Bakr al-Baghdadi (un autre Abou Bakr) fut le grand rival d’Ali (gendre du prophète), lorsqu’en 680 la question de la succession de Mahomet se posa.

Ali fut le porte-parole de la minorité (chiite) et Abou Bakr celui de la majorité (sunnite). Ce fut le second qui l’emporta. Aujourd’hui, plus de 80% du monde musulman est sunnite. Les Chiites sont majoritaires et au pouvoir uniquement en Iran et en Irak. Partout ailleurs, notamment dans les Monarchies pétrolières, ils sont, au mieux, minoritaires, au pire opprimés. La Syrie est un cas particulier, puisque Bachar-el-Assad est assis sur une branche particulière du chiisme (les Alaouites) ; tout en étant minoritaire, il est au pouvoir ! Le conflit entre Juifs et Musulmans semble passer au second plan. Aujourd’hui, au moyen-orient, on se massacre surtout entre musulmans !

La construction de l’Irak, de la Syrie et de la Turquie

La frontière entre la Syrie, l’Irak et la Turquie (amis aussi celle du Liban) a été dessinée 1916 (puis entérinée lors du traité de Sèvre en 1920), et ce, sans tenir compte des populations. C’est une des nombreuses conséquences de la première guerre mondiale.

En 1914, l’empire OTTOMAN (1299-1923) a mal choisi son camp. Il s’est en effet rapproché des Empires Centraux (Habsbourg pour l’Autriche et Hohenzollern pour la Prusse) et se retrouva donc dans le camp des vaincus. Sa dislocation devint une évidence pour les alliés.

Par les accords de SYKES-PICOT (du nom des deux signataires français et anglais) signés en 1916, la nouvelle frontière grava dans le marbre les zones de partage entre l’influence anglaise (pour l’Irak) et française (pour la Syrie et le Liban). Le Califat s’achevait ainsi.

La Turquie (héritière des Ottomans) ne conserva en Europe qu’Istanbul. Certains peuples, comme les Arméniens (massacrés par le mouvement Jeunes-Turcs en 1916) et les Kurdes (à 80% sunnites) se virent privés de régions autonomes : Mustapha KEMAL (président de la Turquie laïque à partir de 1922) refusa en effet de reconnaitre ces particularités sur son territoire. SYKES-PICOT portait ainsi en lui les germes des futurs conflits.

Ben Laden, avant de tomber, les armes à la main, sous les balles américaines, avait prophétisé cette guerre du Levant (Le SHAM) ; une guerre entre musulmans, qui serait voulue par les Sunnites pour reconstituer le Califat désintégré par les puissances occidentales.

Revenons en 2014.

Dans les chancelleries occidentales, on se ficherait pas mal de cette saint Barthélémy musulmane, si cette région ne regorgeait pas de pétrole ! Mais voilà, Abou Bakr al-Baghdadi revendique aussi les champs pétroliers ! Il est à la tête d’un territoire grand comme la Jordanie, a mis la main sur un arsenal militaire, et des réserves en dollars confisquées dans les banques des territoires conquis (notamment à Mosul). Le 29 juin dernier, il a proclamé l‘État islamique en Irak et au Levant, rétablissant ainsi le Califat. Il s’est, bien entendu réservé le titre de Calife (disparu depuis 1924 avec Mehmet VI) : Ibrahim Ier (en référence à Abraham, patriarche commun aux Juifs et aux Musulmans) est aujourd’hui son nom.

Le successeur de Ben Laden, c’est lui ! Il interdit sur les territoires conquis (rien de très original), la musique, les cigarettes et le football ! Pas de coupe du monde donc dans le nord de l’Irak.

L’intervention occidentale au levant : une bonne idée ?

Nous l’avons vu, Sikes et Picot, en 1916, en voulant redécouper le Moyen-orient à leur profit et selon des critères purement occidentaux, ont boulversé l’équilibre : la dissolution de l’empire Ottoman réactiva les conflits territoriaux (dont les Kurdes, à cheval entre la Syrie, l’Irak et la Turquie, ont fait également les frais).

En 2003, Georges BUSH-fils, en voulant imposer la démocratie en Irak (qui devait “perler dans tout le moyen Orient”) ajouta de l’huile sur l’incendie. Saddam HUSSEIN tenait le pays d’une main de fer. Les Sunnites, bien que minoritaires, stabilisaient la région.  L’intervention américaine ouvrit la porte du pouvoir aux Chiites de Nouri-al-Maliki qui, en opposition de phase avec le Tsunami démocratique voulu par les Américains, s’empressa d’oppresser les Sunnites. Résultat, le Tsunami s’est transformé en raz-de-marée djihadiste (agrégation des anciens soldats de Saddam HUSSEIN et des milices locales) qu’aucune digue ne peut aujourd’hui arrêté.

Malheureusement, il semble aujourd’hui que nos amis du Moyen-Orient n’ait le choix qu’entre les fondamentalistes et les dictatures militaires… En Egypte, en Syrie, au Maroc, en Algérie, ils ont opté pour les militaires. En Lybie et en Iran, en Irak, pour les fondamentalistes…

La démocratie n’existe pas au moyen-orient. Est-elle seulement possible ?