J’ai lu pour vous Face à l’Univers de Trinh Xuan Thuan

Le nouvel opus de astrophysicien vietnamo-franco-américain qui traite (une nouvelle fois) de l’origine de l’univers.

Né à Hanoï en 1948, Trinh Xuan Thuan est issu d’un milieu modeste, plutôt littéraire. Il a embrassé très tôt une carrière scientifique aux Etats-Unis.


Un dessin intelligent

Il est déjà l’auteur de La Mélodie secrète, œuvre dans laquelle il a déjà développé la thèse reprise dans son nouveau livre que l’on peut résumer par l’une de ces citations :

“s’il n’existe qu’un seul univers, le nôtre, un principe créateur a forcément dû en régler les paramètres dès le début, pour qu’apparaissent la vie et la conscience…” Trin Xuan Thuan

Autrement dit, Dieu (ou un concept qui lui ressemble) a réglé l’univers (en tout cas ces paramètres fondamentaux) de telle sorte que l’homme puisse un jour apparaitre…

Cette citation rappelle celle de Voltaire :

“L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer Que cette horloge existe et n’ait pas d’horloger.” Voltaire, Poésie

Les origines de l’univers

L’originalité de Face à l’Univers est la présence de nombreux invités, dont Jean D’ormesson, qui donnent leur point de vue littéraire, philosophique ou scientifique sur cette même question.

Trinh Xuan Thuan rappelle le lent chemin scientifique qui a remis l’homme à sa place. La Bible, mais aussi l’ensemble des grands textes philosophiques de l’antiquité, avait placé l’homme au centre de la création et la terre, au centre des étoiles.

Malgré les efforts désespérés de Platon, puis de Ptolémée visant à démontrer le géocentrisme (prince selon lequel la terre est au centre de l’univers), il a fallut se rendre à l’évidence : Copernic (XVème siècle) avait raison lorsqu’il affirmait que c’est le soleil qui est au centre. Puis Hubble a montré que le soleil n’est pas au centre de la galaxie (la Voie Lactée) mais dans une lointaine périphérie. Il a ensuite vu que notre galaxie est semblable à des centaines de milliards identiques qui peuplent l’univers visible. L’homme n’a ainsi cessé de rapetisser et a été relégué au rang d’artefact contingent, c’est-à-dire d’un épiphénomène qui aurait pu ne jamais exister… Le mythe d’Adam et Eve, d’un monde crée pour l’homme venait d’en prendre un sacré coup.

L’astrophysique sauva la religion

Et puis la science est venue à la rescousse. Hubble, en montrant que toutes les galaxies s’éloignaient de nous, donnait l’intuition d’un Big Bang, d’une explosion originelle où tout avait commencé. Et ce Big Bang ressemblait, à s’y méprendre, au feu originel de la Genèse (livre I de la Bible) : que la lumière fut !

Deux écoles alors vinrent tirer les marrons du feu :

1. Les avocats du hasard

et en conséquence de l’athéisme

Tout a évolué par hasard. Des atomes se sont constitués au gré de collisions aléatoires de quarks, les molécules sont le résultat fortuit de collions d’atomes… L’homme (depuis Darwin) est le résultat d’une séquence encore aléatoire de l’évolution. A partir d’une cellule originelle à tous les êtres vivants, la nature a emprunté divers chemins, fait de multiples tentatives dont beaucoup ont avorté (les dinosaures, l’homme de Neandertal par exemple). Si une météorite n’avait pas frappé par hasard la terre il y a 65 millions d’années, les mammifères n’auraient pu occuper les niches écologique monopolisées jusque-là par les grands sauriens et l’homme n’aurait eu aucune chance d’émerger.

Dans cette école la vie n’a bien entendu aucune finalité, ni aucun sens.

Jean D’ORMESSON cite à ce propos Jacques MONOD : “L’homme sait enfin qu’il est seul dans l’immensité indifférente, d’où il a émergé par hasard. Non plus que son destin, son, devoir n’est écrit nulle part. ” Jacques MONOD. Le Hasard et la nécessité 1970

Cette école comprend quelques noms illustres. On peut citer :

  • Richard DAWKINS (Pour en finir avec Dieu (The God delusion))
  • Niels BOHR (partisan du hasard) qui a dit ” La prévision est très difficile, particulièrement au sujet du futur.”
  • Erwin SCHRÖDINGER
  • Werner HEISENBERG, prix Nobel 1933, le découvreur du principe d’indétermination (ou d’incertitude selon les traductions), qui a dit ” Pour savoir, pourquoi la particule a été émise à cet instant particulier, il nous faudrait connaître la structure microscopique du monde entier, y compris nous-mêmes, et cela est impossible ; par conséquent, les arguments de Kant sur la loi de causalité ne s’appliquent plus.”

2. Les avocats de la nécessité

et en conséquence d’un dessein intelligent

D’autres, comme Trinh Xuan Thuan, prêchent le contraire : lorsque l’on examine de très près les paramètres fondamentaux qui ont régi l’évolution de l’univers, on constate que des constantes (par exemple la force de gravité ou la vitesse de la lumière) ont été réglées de manière extrêmement fines pour permettre l’apparition de l’homme.

Trinh Xuan Thuan illustre cette affirmation avec un exemple, celui de la gravité :

  • elle aurait été un peu plus faible (en fait, infinitésimalement plus faible), les grandes structures de l’univers que sont les galaxies n’auraient pu se former : l’univers se serait dilué trop vite et serait mort dans un grand froid sidéral ;
  • elle aurait été un peu plus forte, et les étoiles, écrasées par la gravité, se seraient consumées trop vite, ne laissant pas suffisamment de temps à la vie pour apparaître.

D’où la question qui vient à l’esprit : est-ce par hasard que la gravité a été réglée juste à la bonne valeur ?

Trinh Xuan Thuan n’y croit pas : un rapide calcul de montre que la probabilité d’avoir pile les bonnes constantes (il y en a une dizaine, en une plus de la force de gravité) est incroyablement faible : un archer tirant au hasard aurait autant de chance d’atteindre une cible de 10 cm2 située au bout de l’univers. Donc Trinh Xuan Thuan pense qu’un principe créatuer (qu’il ne nomme pas Dieu) est intervenu pour régler l’Univers.

Cette école également accueille de grands noms :

  • Platon
  • Aristote (tout mouvement est la conséquence d’un premier moteur immobile : Dieu)
  • Thomas d’Aquin (et ses preuves de l’existence de Dieu)
  • Descartes (et son principe de causalité)
  • Kant (qui reprend à son compte les éléments d’Aristote)
  • Voltaire (et son Dieu Horloger)
  • NEWTON (et ses lois de la mécanique classique)
  • Einstein set son célèbre “Dieu ne joue pas aux dés” (en réponse à Niels BOHR)
  • Les frères Bogdanov (la fin du hasard)
  • l’Église bien entendu.

Pourquoi un principe créateur ?

Pour Trinh Xuan Thuan, le but supposé serait de permettre l’émergence de la conscience pour que l’Univers puisse être contemplé, ou au moins observé. C’est ce qu’on appelle le principe anthropique.

Voilà qui a laissé le petit-père Combes sur sa fin.

La réfutation des multivers

Trinh Xuan Thuan présente la principale réfutation au principe anthropique. Une hypothèse fait son chemin : l’hypothèse multivers. Il y aurait en fait une infinité d’Univers comme le nôtre. Chacun aurait un jeu de constantes fondamentales. La plupart de ces univers seraient stériles car, “il n’aurait pas eu de chance”. Un seul (ou peut-être plusieurs) aurait été doté par hasard de la série chanceuse. Le nôtre en fait partie.

Trinh Xuan Thuan constate, à juste titre, que cette hypothèse n’est pas scientifique. Il convoque pour cela Karl POPPER : toute hypothèse qui ne peut être réfutée par l’expérience ne peut être considérée comme “scientifique”. Par exemple, on,ne peut pas démontrer que Dieu existe, mais on ne peut pas non-plus démontré qu’il n’existe pas. L’hypothèse “Dieu” n’est donc pas scientifique mais appartient au seul domaine de la croyance. Il en est de m^me de l”hypothèse multivers : on ne peut observer les confins de notre univers, la lumière n’ayant pas eu suffisamment de temps pour nous parvenir. A fortiori, on ne peut observer au-delà. On ne pourra donc jamais voir ce qui se passe derrière la frontière (si elle existe) . On ne pourra donc jamais bâtir une expérience qui infirmera ou confirmera l’hypothèse. Elle n’est donc pas scientifique.

Trinh Xuan Thuan la rejette donc et parie (comme Pascal avant lui) sur la première : il n’y a qu’un seul univers. Et si c’est le cas, l’incroyable précision de ces constantes fondamentales ne peut être le fruit du hasard. Il y a donc un principe créateur. Saint Thomas d’Aquin avait fait une démonstration similaire quelques siècles plus tôt.

Quelques objections

On pourrait retourner à Trinh Xuan Thuan son raisonnement. L’hypothèse “d’un seul univers” n’est pas réfutable, elle n’est donc pas non-plus scientifique.

Par ailleurs, comme il le dit lui-même, on ne connait que 5 % de notre Univers. 95 % (constitué de matière sombre et d’énergie noire) nous sont inconnus. Et m^me au sien des 5% que nous observons, beaucoup de phénomènes sont inexpliqués :

  • Que c’est il passé avant 10E-43 seconde (mur de Planck), période pendant laquelle les quatre forces fondamentales (voir l’appendice) étaient réunies ? La science ne parvient pas à réunir ces quatre forces.
  • Qu’y a-t-il à l’intérieur d’un trou noir ?
  • Qu’est ce que le temps ?
  • Le temps a t-il un début ? Et si oui comment expliquer le top départ dans un univers où ni le temps, ni le temps n’existait ? Dieu se cachait-il dans cet Univers sans temps ni espace ?
  • Le temps est-il cyclique ?

Par ailleurs, l’expérience EPR, de Alain ASPECT a donné raison à BOHR contre EINSTEIN : le hasard existerait bel et bien.

Bref, il convient de rester humble et d’être prudent avant de sauter vers la conclusion. Il est en effet tentant de vouloir à tout prix un sens à notre existence et pourquoi pas une vie éternelle. Mais il reste encore du chemin avant de donner raison (ou pas) à Trinh Xuan Thuan.

Appendice

Les quatre forces fondamentales

Les trois premières n’agissent qu’à très faibles distances et uniquement sur des particules infinitésimales (quantiques) : des atomes par exemple.

La dernière (gravitationnelle) agit à longue distance et uniquement sur des grandes masses (la terre sur la lune par exemple).

les particules fondamentales
les particules fondamentales

Nucléaire forte

Elle soude

  • les quarks 3 par 3 pour former les nucléons (protons et neutrons) ;
  • les nucléons (protons et neutrons) pour former les noyaux ;

Elle est à l’origine de l’énergie nucléaire.

Nucléaire faible

Elle agit sur les particules de l’immortalité :

  • l’électron (la particule de l’électricité) ;
  • le photon (la particule de la lumière)
  • le neutrino (particules émises par le soleil).

Elle est à l’origine de la radioactivité. Elle permet aux neutrons de se dissocier des protons sous certaines conditions.

Électromagnétique

Elle agit sur les particules chargées :

  • protons (+)
  • ou électrons (-).

Elle soude

  • les électrons (-) aux noyaux (+) ;
  • les atomes entre-eux pour former des molécules ;
  • les molécules entre-elles, pour former des chaines longues, dont la molécule de la vie : l’ADN

Gravitationnelle

Elle est bien plus faible que les trois premières, mais agit sur de très longues distances et sur de gros ensembles (planètes, étoiles, galaxies).

15 commentaires sur “J’ai lu pour vous Face à l’Univers de Trinh Xuan Thuan

  1. En mécanique classique, si on connait la position et l’impulsion d’une particule à un instant donné, on peut connaitre exactement, en principe, la position et l’impulsion de cette particule à un instant ultérieur. En mécanique quantique, le simple fait que, quelque soit l’hamiltonien, les observables position et impulsion ne feront jamais partie d’un ECOC en même temps implique une indétermination obligatoire sur ces deux grandeurs en même temps en ce qui concerne une mesure ultérieure. Prenons l’exemple usuel de la particule libre : En mécanique classique : On donne la position et l’impulsion à un instant donné, et on obtient exactement la position et l’impulsion à un instant ultérieur en résolvant les équations de Newton satisfaisant aux conditions initiales du problème. c’est le déterminisme de la mécanique classique En mécanique quantique Un état initial possible est de dire (à une dimension pour faire simple) que l’on sait qu’à l’instant initial la particule était à la position , son état sera donc caractérisé par le ket. Si on veut connaitre son évolution dans le futur, il faut résoudre l’équation d’évolution (i.e. l’équation de Schrödinger correspondante) et la solution est… compliquée. L’état du système est complètement déterminé dans le futur et pourtant, on peut facilement montrer que la position sera de plus en plus indéterminée au fur et à mesure que le temps va passer (idem pour l’impulsion dans ce cas là aussi) c’est le déterminisme en mécanique quantique.