J’ai lu pour vous Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance de Mathieu RICARD

Mathieu RICARD est un être singulier. Docteur en science biologique, il est aussi moine bouddhiste (depuis 1979) et porte-parole pour la France du Dalaï-lama. Avec ses nombreux ouvrages, il a essayé de vulgariser la pensée bouddhiste, la projeter dans notre monde contemporain et donner quelques règles pour améliorer nos vies de citadins stressés.

Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance n’échappe pas à la règle.  Il synthétise la pensée de Mathieu RICARD et donne surtout les cinq clefs qui vous permettront d’atteindre le bonheur, par la sagesse, la bienveillance,et  l’altruisme.

Mais d’abord, une courte introduction pour évoquer les grands hommes qui l’ont précédé.

Épicure comme précurseur

Épicure nous donnait, il y a plus de deux millénaires, le Tétrapharmakos, le quadruple remède qui, selon lui devait nous permettre d’atteindre le bonheur :

  1. Ne craignez pas les dieux
  1. Ne vous inquiétez pas de la mort
  1. Le bonheur est facile à obtenir
  1. La souffrance est facile à supporter

Il plaidait pour une vie simple, sans excès, en se contentant des désirs naturels et nécessaires : s’alimenter, dormir et s’abriter. Il écartait tout le reste, le désir de richesse, de pouvoir ou de reconnaissance, de consommation. En effet, la recherche perpétuelle de ce que l’on n’a pas conduit à un cercle vicieux dans lequel les désirs sont temporairement satisfaits mais aussitôt remplacés par d’autres désirs, plongeant l’être dans des abîmes d’anxiété. Qui peut croire que le prochain I phone que l’on rêve d’acquérir, même équipé du tout dernier écran, nous rendra plus heureux ?

Spinoza aussi

Pour Baruch SPINOZA, le but de la vie est d’être heureux. Ça ressemble à une lapalissade et pourtant SPINOZA montre que le Christianisme prône le contraire : il invite au repentir, au jeune, à la souffrance pour expier la faute originelle… Pour Spinoza, accroître sa puissance, c’est chercher ce qui nous est vraiment utile (on retrouve de l’Épicure). Mais il n’y a pas d’égoïsme dans cette règle de vie : car s’intéresser à ce qui est vraiment utile c’est aussi s’intéresser à l’autre.

Mathieu RICARD et son Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance

Manifestement, on retrouve chez Mathieu RICARD (et donc dans le Douddhisme) des voies similaires à celles explorées par les Épicuriens et Spinoza. Dans son dernier ouvrage « Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance » publié aux éditions du Nil, Mathieu RICARD donne sa recette du bonheur, non-pas en quatre points, comme Épicure, mais en cinq points :

  1. Cultiver l’amour altruiste
  1. Dépasser l’émotion
  1. Développer bienveillance et sagesse
  1. Chercher le remède à la souffrance
  1. Développer la coopération

1. Cultiver l’amour altruiste

Pour Mathieu RICARD, l’altruisme est en nous. Ça ne va pas de soi, surtout si on a lu Freud qui au contraire nous dit que nous n’aimons que notre « cher moi » ou Nietzsche qui dit que nous sommes conduits par notre seule volonté de puissance. Le moine bouddhiste nous invite donc à découvrir ce potentiel, puis à le cultiver pour le faire grandir. Cette compassion nous permettra aussi de nous sentir plus heureux (le « cher moi » est donc sauvé puisque c’est un altruisme qui devient intéressé). Pour étoffer son argumentaire, Mathieu RICARD s’appuie sur des travaux en neurosciences qui auraient démontré l’impact de cette compassion sur notre cerveau.

« Il est plus facile de commencer à nous entraîner en pensant à quelqu’un qui nous est cher, imaginons un jeune enfant qui s’approche de nous et nous regarde joyeux, confiant et plein d’innocence… Nous le contemplons avec tendresse et le prenons dans nos bras. Demeurons quelques instants dans la pleine conscience de cet amour, sans autre forme de pensée. Étendons ensuite ces pensées bienveillantes à ceux que nous connaissons moins. Allons plus loin, incluons dans cette bienveillance ceux qui nous ont fait du tort et ceux qui nuisent à l’humanité en général. Portons sur eux le regard d’un médecin sur ses patients les plus gravement atteints. Enfin embrassons la totalité des êtres sensibles dans un sentiment d’amour illimité. Nous pouvons à tout moment, souhaiter intérieurement à ceux que nous croisons dans la vie quotidienne d’être heureux et libérés de toute souffrance. Ainsi, graduellement, l’amour altruiste, la compassion seront pleinement intégrées à notre manière d’être. »

Mathieu RICARD  – Extrait de Plaidoyer pour l’altruisme.

2. Dépasser l’émotion

Ne pas confondre amour et émotion. Cultiver le premier et écarter le second, c’est le secret d’une vie apaisée. L’émotion épuise le corps et l’esprit. Elle peut, si elle n’est pas gérée, plonger l’être dans le burn-out, voire la dépression. Il faut bien sûr être à l’écoute des personnes qui soufrent. Nous avons cette faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent. C’est ce que le dictionnaire Larousse appelle l’empathie. Mais il faut que cette empathie fasse place à l’amour, sans émotions excessives, destructrices. Car une fois détruit, l’être ne peut plus rien faire.

3. Développer bienveillance et sagesse

La bienveillance n’évite pas la sagesse. Mathieu RICARD invite à la préparation de soi. Il cite l’action humanitaire qui, mal anticipée, peut conduire à la haine des auteurs de massacres. On retrouve ici du Spinoza qui nous invitait à écarter les « passions tristes ». Le sage hollandais utilisait les termes « d’affects » de joie (plaisir, l’amour, gaieté, allégresse) ou de tristesse (souffrance, colère, haine, pitié). Les premiers cités augmentent notre potentiel au bonheur et les seconds  le diminue.

4. Chercher le remède à la souffrance

Mathieu RICARD va plus loin (comme Nietzsche l’avait déjà fait). Il faut aimer les gens qui nous font du tort, les méchants, les oppresseurs ! L’idée est ici de les considérer comme des malades (de l’esprit) qu’il convient de comprendre puis de soigner.

5. Développer la coopération

Pour Mathieu RICARD, nous sommes condamnés à l’altruisme sous peine de disparaître. La vie en société nous oblige à la coopération. ROUSSEAU avait développé cette idée dans son Contrat social. Seule la coopération permet d’envisager des objectifs à long terme, la défense de l’intérêt général et, notamment, de l’environnement. Le moine va même jusqu’à conclure que le chemin vers Dieu ou la nature du Bouddha se réduit à mesure que l’on cultive cettte coopération.

« A l’école, l’éducation coopérative consiste à former des groupes composés d’enfants de niveaux différents, de sorte que les plus avancés puissent aider ceux qui sont en difficulté. Dans ce cas, on observe que les enfants qui apprennent facilement, au lieu de se sentir supérieurs aux autres (comme c’est le cas dans un système d’évaluation constante au moyen d’interrogations écrites notées) se sentent investis de la responsabilité d’aider ceux qui ont plus de mal à comprendre. De plus, l’esprit de camaraderie du groupe et l’absence de jugements intimidants de la part des autres inspirent confiance aux enfants et les incitent à donner le meilleur d’eux-mêmes. « Mathieu RICARD –  extrait de Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance.