Logarithme,… le mot fait peur. Il a été inventé à partir du grec par un obscur théologien écossais : John Napier. Il signifie rapport de nombres (logos ou λ ο ́ γ ο ς « rapport » et ratio ou α ̓ ρ ι θ μ ο ́ ς « nombres »). De quoi s’agit-il ? L’idée est simple : simplifier les calculs en remplaçant la multiplication par l’addition. Prenons un exemple : 4 × 8 = 32. On peut aussi écrire 2² × 2³ = 32. Ou encore 2²+³ = 32, c’est-à-dire 25 = 32. La multiplication de 4 par 8 a été remplacée par l’addition de 2+3 !
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Brève histoire des logarithmes
1964, Édimbourg. Napier l’astronome est fatigué de faire des multiplications, ces calculs fastidieux, sources d’erreurs qui lui donnent des migraines. Car les calculs astronomiques sont de plus en plus compliqués. Ils nécessitent de connaître la trigonométrie et d’effectuer des multiplications incessantes de grands nombres. Ne serait-il pas possible de remplacer cette opération par une autre plus simple ? Par exemple, l’addition ? Archimède, au IIIème siècle avant Jésus-Christ, y avait déjà pensé.

Dans son Arénaire, se trouvent les bases du calcul logarithmique. Il cherchait à calculer le nombre de grains de sables dans la « sphère des fixes ». Dans le système décrivant l’Univers (qui durera jusqu’à Copernic), la terre se trouvait au centre. Le soleil et les planètes gravitaient autour. La sphère des fixes était l’extrémité de l’univers sur laquelle étaient accrochées les étoiles fixes (par opposition aux étoiles mobiles des constellations). Archimède se trouva donc obliger de manipuler des grands nombres et eu recours à une méthode qui substituait, à la multiplication, l’addition.
Brève histoire des logarithmes
Napier va s’attacher à améliorer la technique d’Archimède. Il publie sa découverte dans son Mirifici logarithmorum canonis descriptio (la description des merveilleux logarithmes). Il oublie la trigonométrie et fonde sa théorie sur la cinématique : il compare un objet de déplaçant avec une vitesse uniforme (progression arithmétique) et un second étant uniformément accéléré (progression géométrique). Son rêve devient réalité :
Un exemple pour mieux comprendre : voici une table possible de logarithme en base 2 :
Nombre | 2=20 | 4 =22 | 8 = 23 | 16 = 24 | 32=25 | 64 | 128 | 256 | 512 | 1024 |
Son logarithme | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 |
Imaginons que l’on veuille multiplier 16 × 32. Leurs logarithmes respectifs sont 4 et 5. On effectue l’opération 4 + 5 = 9. Le nombre dont le logarithme est 9 est 512. Donc 16 × 32 = 512. La fonction logarithme compresse les nombres pour rendre leur multiplication aussi facile qu’une addition ! Elel suppose de disposer de tables comme celle-ci.
Dans notre exemple, on a choisi un logarithme de base 2. Dans la première ligne du tableau on a le nombre X et dans la seconde la puissance de 2 qui donne ce nombre. Avec une notation moderne, ça donne : X = 2n où « 2 » est la base du logarithme et n la valeur du logarithme. Ainsi :
X = 2n et Log2 (X) = n
On peut choisir n’importe quelle base pour le logarithme, par exemple une base de 10. On a alors
X = 10Y ou Log10(X) = Y
Brève histoire des logarithmes
1650 – Grégoire Saint-Vincent, l’hyperbole et la constante e du logarithme naturel dit « népérien ».
Georges Saint-Vincent, en 1650, s’intéressa à l’aire sous la courbe de l’hyperbole : y = 1/x. Il s’aperçut que les aires sous la courbe restaient constantes lorsque la progression de l’abscisse était géométrique (1, 2, 4, 8, 16,…). Si on s’intéressait à l’aire depuis l’abscisse 1, la progression des aires était arithmétique :
Aire (a x b)= Aire de (a) + aire (b).
Il avait aussi Aire (1) = 0. Il venait de montrer que l’intégrale de la fonction f(x) = 1/x est le logarithme népérien (de base e).

« Si les abscisses d’une hyperbole équilatère croissent en progression géométrique, les aires des surfaces découpées entre l’hyperbole et son asymptote par les lignes ordonnées correspondantes croissent en progression arithmétique. » Grégoire Saint-Vincent
La fonction exponentielle ex
On doit à Leibniz et à Jean Bernoulli l’entrée de la fonction exponentielle dans le grand bal des mathématiques :
- C’est la réciproque de la fonction ln x
- Elle est notée ex
- On a ainsi : elnx = x
- ex est la seule fonction qui est sa propre dérivée
Brève histoire des logarithmes
Évolutions
EULER va proposer de retenir cette nouvelle base ; une base (qu’il appelle e comme la première lettre d son nom) qui simplifierait les calculs avec
Log(e) = 1 et log(1)=0.
C’est le début de la longue l’histoire d’une des constantes les plus fabuleuses des mathématiques, celle du nombre e = 2, 7182818284 5904523536 0287471352 6624977572 4709369995… Euler démontre que la constante e, comme PI (∏), est irrationnelle, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas se mettre sous la forme d’un ratio du type p/q et il en calcul 24 décimales. La notation se transforme pour cette base très particulière ; elle devient ln(e) ou logarithme népérien en hommage à John Napier.

Brève histoire des logarithmes
Du côté des BERNOULLI
Jacob Bernoulli (1654-1705), le premier des mathématiciens d’une grande famille italienne qui en donnera 9 de réputation mondiale, s’intéresse aux gains obtenus par des placements de liquidités.
Il suppose un placement de 1 franc (ou 1 écu) qui permettrait un gain de 100% au bout d’un an. L’année écoulée, le gain est de 1 franc (100 % de 1 franc). Il y a alors sur le compte 2 francs (le dépôt initial + le gain).

Mais que se passe-t-il si une première partie du gain (50%) est versée à mi-année et le reste (encore 50%) en fin d’année ? Au bout de 6 mois, le gain sera de 1 franc × 50% de 1 franc, soit 1.5 franc. En fin d’année, le gain sera de 1.5 × 50 % de 1.5 = 2.25 francs.
Si o, assure un versement de 33% à chaque trimestre, on aura 2.4414 en fin d’année. Si on verse 1/12 tous les mois on aura 2.613035. On s’aperçoit, et Jacob BERNOULLI avant nous, que plus le découpage est grand, plus le montant en fin d’année s’approche d’une valeur particulière. Si on verse 1/365 % chaque jour, on obtient 2,714567. Cette valeur particulière, bien sûr, c’est e.
La formule générale avec n versements (l’année découpée en n parts égales) : [1+1/n]n. On vérifie que pour une année découpée en deux on a (1+0.5)² = 1.5² = 2.25.
Brève histoire des logarithmes
Encore Euler
On ne peut pas évoquer l’histoire des mathématiques sans parler d’Euler. Il a trempé partout, géométrie, arithmétique, et chaque fois découvert des pépites. Il s’est bien sûr intéressé aux logarithmes comme on l’a déjà vu. Il s’est aussi exercé au calcul différentiel en calculant les dérivées usuelles à la suite des travaux de Leibniz.
Il pose donc :
- y = log (x)
- y + dy = log (x+dx)
- dy = log (x+dx) – log x
- dy = log ([x+dx]/x)
- dy = log (1+dx/x)
- dy/dx = 1/dx . log (1+dx/x) (puis en ajoutant x/x à droite)
- dy/dx = 1/dx . x/x . log (1+dx/x)
- dy/dx = 1/x . x/dx . log (1+dx/x)
- dy/dx = 1/x . log (1+dx/x) x/dx
Il pose ensuite dx/x = n et retrouve, comme par miracle, la formule de Bernoulli (1+1/n) n :
- dy/dx = 1/x . log (1+1/n) n
Bernoulli a montré que lorsque n tend vers ∞ (car dx/x tend vers 0), (1+1/n) n tend vers e. Donc dy/dx =log (e)/x. La dérivée de la fonction ln (qui pose que ln(e) = 1) est donc en 1/x.
C’est à cette occasion qu’Euler donne une très bonne estimation de
e = 2,7182818284 5904523536 0287471352
Brève histoire des logarithmes
Quelques propriétés pour les matheux
La propriété fondamentale du logarithme est d’assimiler la multiplication à une addition. On a ainsi : log (a×b) = log (a) + log (b).
Le logarithme népérien (ln) est beaucoup plus intéressant. On rappelle qu’il s’exprime en base e = 2.71…
Voici à quoi ressemble la fonction ln(x) sur un graphe (en rouge) :

On note que :
- ln (x×y)= = ln(x) + ln(y)
- ln (an) = n × ln (a)
- ln(x) n’a de sens que si x > 0 ;
- ln(1) = 0 et ln(e)=1 ;
- ln(x) tend vers -∞ quand x tend vers 0 ;
- ln(x) tend vers +∞ quand x tend vers +∞ ;
- la fonction ex est sa symétrique par rapport à la droite y =x ;
- ln (ex) = x et eln(x) = x
- la dérivée de ln(x) est 1/ x;
- …
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