Qu’est-ce que la théorie du ruissellement ?

A l’occasion du débat entre Maître Mélenchon et Philippe, le premier a reproché au second d’être un adapte de la théorie du ruissellement.

Avec neuf millions de pauvres dans un pays, on ne peut pas donner trois milliards à ceux qui ont tout. Je sais que vous êtes un homme cultivé, vous défendez la théorie du ruissellement : en rendant les riches encore plus riches, les miettes qui vont tomber pour les pauvres seront plus grosses. Mais nous ne demandons pas l’aumône. J-L. Mélenchon. 28 septembre 2017

Qu’est-ce que la théorie du ruissellement ?

Comme souvent en économie, le terme a été traduit de l’anglais. Car nos amis outre-marins ont été depuis toujours les grands théoriciens (et défenseurs) des idées libérales, développées en premier lieu au XVIIIème siècle par Adam Smith.

En deux mots, cette théorie veut que l’enrichissement par le travail d’un individu (par exemple le boulanger du coin) bénéficie à l’individu en question (qui peut s’acheter une belle voiture) mais également au reste de la société : le boulanger va développer son commerce, proposer plus de services (salon de thé), embaucher des serveurs, des pâtissiers, qui vont à leur tour disposer d’un revenu (plus faible certes) et consommer, notamment du pain, ce qui va, bien entendu, dans le cadre d’un cercle vertueux, contribuer à enrichir encore notre boulanger qui va pouvoir de nouveau se développer. Les écarts de richesses apparaissent mais globalement tout le monde bénéficie de plus de revenus et l’intérêt particulier (ou son égoïsme) du boulanger s’est mis (inconsciemment) au service de l’intérêt général.

Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche de leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme.

Adam Smith

La concurrence permet, de manière naturelle, (théorie de la main invisible) de limiter les profits au bénéfice des consommateurs. Il y a auto-régulation des profits. S’il n’y a pas d’intervention extérieure qui fausse le marché (par exemple une subvention d’État du type APL) ou monopole, le prix des marchandises s’établit au niveau le plus juste.

L’accroissement des capitaux qui fait hausser les salaires tend à abaisser les pro­fits. Quand les capitaux de beaucoup de riches commerçants sont versés dans un mê­me genre de commerce, leur concurrence mutuelle tend naturellement à en faire bais­ser les profits.

Adam Smith

Un autre mécanisme de régulation intervient : le boulanger n’a en effet aucun intérêt à ruiner ses consommateurs, car il scie la branche sur laquelle il est assis. Il a tout intérêt à redistribuer de la richesse pour entretenir son petit commerce.

En conclusion, dans cette théorie libérale, le boulanger s’enrichit, développe son activité, est poussé à l’excellence par la concurrence que lui fait le boulanger d’à côté, assure des revenus à ses ouvriers qui deviennent consommateur et qui achètent le meilleur pain au meilleur prix. Mais ce n’est qu’une théorie.

A l’inverse, quel serait l’intérêt d’une égalisation des revenus, notamment par une taxation très importante des hauts revenus ?

Dans un premier temps, le consommateur serait clairement bénéficiaire. Le boulanger serait, de son côté, un peu amer. Il a engagé ses ressources, a développé son affaire par le travail pour finalement gagner comme son voisin adepte des siestes bien méritées. Sa conscience professionnelle, voire sa philanthropie, le conduirait à poursuivre son petit commerce. Mais à un petit rythme et en ne cherchant pas forcément à produire de la qualité puisque la paye serait la même à la fin du mois. Il se contenterait d’un serveur et peut-être un pâtissier, mais licencierait sans doute les autres. Le taux de chômage dans la commune  commencerait à monter et les revenus à baisser. On achèterait alors moins de pain, ce qui conduirait notre boulanger à réduire encore la voilure… Maudit cercles vicieux.