J’ai vu pour vous Three Billboards outside Ebbing, Missouri de Martin Mc Donagh

Milldred, bien usée et burinée par la soixantaine, est attablée dans un restaurant en train de dîner avec son compagnon d’un soir. C’est la récompense (la seule) qu’elle offre à celui qui, par un faux témoignage, lui a permis de ne pas être inquiétée au sujet d’un acte criminel qu’elle a commis. Soudain, elle voit arriver dans la salle du restaurant son ex-mari qui l’a quittée pour une « jeunesse ». Il est accompagné par la superbe bimbo de 19 ans. Lorsqu’ils sont installés, Mildred se lève et se dirige vers le couple. On s’attend à ce que celle-ci, qui s’est déjà distinguée par sa cruauté, déchaîne sa violence à l’encontre de la malheureuse jeune personne. On s’attend donc au pire, mais dès les premiers échanges verbaux entre les deux femmes, la stupidité de sa jeune rivale émeut Mildred au point que celle-ci abandonne toute idée de violence et de vengeance et offre à l’idiote la bouteille de vin qu’elle tenait dans la main et que l’on imaginait, quelques instants auparavant, devenir une arme redoutable. C’est sans doute la scène emblématique du film, celle qui illustre, dans une douceur relative, la destruction de l’idée de vengeance. C’est le résumé du film dans le film.

L’histoire se déroule dans le sud des Etats unis, dans un univers qui respire le conformisme et le racisme. Le chef des policiers, philosophe humaniste et fataliste, dit : « si on virait tous les flics vaguement racistes, il n’en resterait que trois qui n’aiment pas les pédés ». Il mourra indirectement d’un cancer après avoir cautionné l’action de Mildred. La fille de Mildred s’est faite violer et son corps a été brûlé, il y a six mois. Depuis, l’enquête n’a pas progressé, la police ne semble plus s’intéresser à la recherche du coupable. Un jour, Mildred repère trois panneaux publicitaires au bord d’une route. Ces panneaux sont inutilisés depuis plus de dix ans, l’emplacement n’étant plus stratégique. Qu’importe à Mildred, elle profite de ces emplacements qu’elle fait remettre en service pour envoyer un message par lequel elle essaie de relancer les recherches tout en affichant son doute sur la compétence de la police locale. La population est plutôt opposée à l’action de Mildred et un policier qui se sent visé par le message multiplie les coups bas à l’encontre de cette femme.

Notre avis critique

Il s’agit de l’histoire de l’échec d’une enquête et d’une rédemption. Mais c’est aussi celle d’un univers où personne n’atteint jamais son but et où les passions se désintègrent dans le doute. Le rôle principal, celui de Mildred, est interprété par la magnifique Frances McDormand qui a la rugosité obstinée d’un Clint Eastwood. On avait déjà apprécié son personnage dans « Cargo » des frères Coen.  Le film laisse le spectateur au bord de la route, légèrement déglingué et pensif, c’est sans doute la meilleure chose qui puisse lui arriver lorsqu’il va au cinéma.