
Les gilets jaunes sont-ils les sans-culottes de 2018 ? Non. Pourtant les parallèles sont nombreux, comme nous allons le voir, à commencer par l’état désastreux des finances publiques. D’ailleurs, les gilets jaunes aiment utiliser les termes qui ont fait l’histoire de 1789, comme “Cahiers de doléances”, “Peuple”, “États généraux” ou “Assemblée constituante”. Le grand débat ouvert le 15 janvier 2019 serait-il une réédition des Etats généraux ? Nous ne l’espérons pas. Ils ont accouché sur la Terreur 4 ans plus tard et ses milliers de morts.
La paix sociale achetée à grands coups d’emprunts depuis 74
Novembre 2018. les caisses sont vides.
L’Etat, comme en 1789, constate que ses caisses sont vides. Cet endettement n’est pas récent : le dernier budget à l’équilibre date de 1974. Depuis, toutes les avancées sociales ont été financées par l’emprunt, c’est-à-dire par les générations suivantes. La paix sociale a été achetée en vidant la caisse. Et ça a marché… pendant 50 ans. Mitterrand ainsi s’est fait lire sur des promesses non-financées, comme la retraite à 60 ans. Martine Aubry a ajouté des dettes aux dettes en introduisant les 35 heures. Ces promesse, et bien d’autres, creusent encore aujourd’hui le déficit : 2000 milliards d’euros : 100 % du PIB. Aujourd’hui pour maintenir le “modèle social’, tout gouvernement doit trouver de l’argent. Le principal problème du gouvernement est donc celui-là : comment financer le modèle français ?
Plusieurs solutions
Pour trouver de l’argent, il y a plusieurs pistes :
- La première qui vient à l’esprit (comme en 1789), consiste à taxer les riches. Le problème (que l’on n’avait pas en 1789) est qu’il n’y a rien de plus volatil que le capital. Dans la compétition mondiale, l’impôt est devenu une arme de guerre. Le pays le plus attractif attire les capitaux. Nul doute que trop d’impôts (sur les riches) devient contre-productif et donc tue l’impôt : un clic et les milliards d’euros traversent la frontière. Ces milliards ne payaient pas assez ? Ils ne paieront plus du tout.
- La deuxième solution est le recours à l’emprunt : certains en ont abusé depuis 1974 en comptant sur les générations suivantes.
- La troisième est d’augmenter les taxes. Le président vient d’essayer et s’est heurté à la crise des Gilets jaunes.
- La dernière enfin est de réduire la voilure du modèle social. C’est-à-dire (par exemple) revenir sur le niveau des pensions. C’est pas simple et peut conduite à une crise du même type.
Juin 1789 – les états généraux
1789. Les caisses de l’Etat sont vides. Il réunit les États-Généraux le 24 janvier 1789, grands débats auquel furent associés les Trois Ordres, seul organe compétent en termes de levées d’impôts. Necker, son ministre du budget, le Gérald Darmanin de l’époque, proposa d’augmenter les taxes, comme on le fait en général pour remplir les caisses. Le Tiers-état refusa. Mirabeau, porte-parole auto-proclamé du peuple (mais élu contrairement aux porte-paroles du WEB d’aujourd’hui) lanca son fameux :
” Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la volonté du peuple.”
Louis XVI n’y vit qu’une petite crise passagère, comme notre Président aujourd’hui. Il fit évacuer la salle des menus-plaisirs de Versailles, sans que rien ne fut réglé. Necker n’avait pas d’autres solutions. Le déficit continuait à se creuser. Le tiers-état fit le serment de donner une constitution à la France lors de se réunion au jeu de Paume, sous l’auspice du maire de Paris : Bailly. Le désordre menaçant la sécurité de l’Etat, un recours à la force n’était plus exclu. Camille Desmoulins appela aux armes (en faisant son fameux discours sur la saint-Barthélémy du peuple) ce qui conduit à la prise de la Bastille. Aujourd’hui d’autres veulent prendre l’Elysées. L’enthousiasme révolutionnaire aidant, on commença à couper des têtes (la première étant celle du gouverneur de la forteresse). Aujourd’hui le spectacle de la décapitation est donné sur les ronds-points. Et puis les pillages commencèrent, notamment des boulangeries. Aujourd’hui les vendeurs de téléphones portables font les frais des pilleurs. Au cours des années 1789 et 1790, la révolte devint Révolution et perdit la tête : le projet politique se résuma à tuer de l’Aristocrate. Aujourd’hui, les menaces de mort d’élites, d’élus ou de citoyens envahissent sur les réseaux sociaux. Les tensions se firent jour parmi les meneurs de la Révolution, comme on le voit aujourd’hui. Aux Girondins comme Brissot (modérés), succédèrent les Montagnards (plus radicaux), les seconds en profitant pour décapiter les premiers. Les révolutionnaires, qui voulaient au début plus de démocratie, basculèrent dans la dictature sanguinaire. Le club des Jacobins (favorables à la centralisation) passèrent à l’ère industrielle de la guillotine. Le nouveau chef autoproclamé s’appelait alors Robespierre : son arme ? La terreur. Tout ce qui dépassait encore devait être étêté. Mais ça ne remplissait toujours pas les caisses de l’Etat, au contraire : les “riches” s’exilèrent privant le pays de ses ressources. On les appela les émigrés. C’était une répétition de ce qui s’était passé lors de la révocation de l’édit de Nantes qui avait fait fuir les entrepreneurs protestants qui firent la richesse des Pays-bas. Aujourd’hui, un rétablissement de l’ISF aurait le même effet.
Alors on pilla les biens de l’Église et on coupa plus de têtes. Marat en réclamait 100 000 ! Celle de du Roi tomba dans le panier d’osier en 1793, puis celle de la Reine. Mais malgré cette purge, les caisses se vidaient encore. La Terreur culmina en 1794 avec la mise du tribunal révolutionnaire de Fouquier-Tinville. Mais Robespierre, comme les autres Révolutionnaires, fit l’erreur de croire que la Révolution s’arrêterait avec eux. Mais il fut arrêté dans sa folie sanguinaire (notamment par Barras). Sa tête vint rejoindre dans la fosse commune celles de Brissot, Camille Desmoulins, Danton et bien d’autres. Une Révolution est difficile à mettre en marche et impossible à arrêter.
Gracchus Babeuf (le premier communiste), auteur de la Conjuration des égaux, fut guillotiné à son tour (1797). Barras devient Directeur. Les caisses étaient toujours vides. Pas moyen de répondre aux revendications légitimes de la gauche. Il fit voter une amnistie pour les exilés en espérant le retour des capitaux. Mais ce qui arrêta la Révolution fut sa politique énergique de maintien de l’ordre. Il fit appelle à un jeune général : Bonaparte. Celui-ci lui promit l’ordre mais lui demanda en échange de ne pas venir lui réclamer des comptes. Il fit tirer sur la foule et le calme revint sur Paris. Il prit la tête de l’armée d’Italie et ses victoires permirent enfin de remplir les caisses de l’État mais au détriment des libertés individuelles. Après Waterloo, on revint à la case départ : la restauration de l’Ancien régime. La révolution porte bien son nom puisque “Révolution” signifie “tour complet”. On était revenu à la case départ.
Bref, quand il n’y a plus de sous, il n’y a plus de sous.
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