y a t-il un lien entre réduction du temps de travail et emploi ? Une réponse par Jean Tirole.

Si une question a coupé (et coupe toujours) la France en deux (notamment lors du passage aux 35 heures voulu par Martine Aubry), c’est bien la question du lien entre le temps de travail et le niveau emploi. En d’autres termes, existe-t-il un gâteau (de taille fixe) à partager ? Et s’il n’y a pas assez de gâteau pour tout le monde, faut-il réduire la taille des parts ? Oui ! selon les économistes dits “de gauche” comme Thomas Porcher ou Piketty. Pas du tout, semble leur répondre Jean Tirole, prix Nobel d’économie.

Les économistes condamnent quasi unanimement le sophisme de l’emploi en quantité fixe, un concept selon lequel le nombre total d’emplois dans une économie est fixe et donc doit être partagé équitablement. Paradoxalement, l’hypothèse sous-jacente à la fixité de l’emploi et donc à la politique de réduction du temps de travail afin de permettre un partage de l’emploi est la même que celle qui sous-tend le discours des partis d’extrême droite quand ils soutiennent que les immigrants “prendraient” le travail des résidents nationaux, au motif que cet emploi serait en quantité fixe. D’autres l’utilisent pour préconiser l’avancement de l’âge du départ à la retraite (les seniors ne prennent-ils pas le travail des jeunes ?). D’autres encore à des fins protectionnistes (les entreprises étrangères ne prennent-elles pas nos emplois ?).

Les économistes ne prennent jamais parti sur la question de savoir si l’on devrait travailler 35, 18 ou 45 heures par semaine. En revanche, la thèse selon laquelle réduire la durée du travail, avancer l’âge de la retraite, bloquer l’immigration ou adopter des mesures protectionnistes créera des emplois pour les autres n’a aucun fondement, ni théorique ni empirique. »