J’ai lu pour vous Belle de jour de Joseph Kessel

Dans la douce intimité de son appartement parisien, Séverine Sérizy attend Pierre, son mari, son amour de toujours. Ses sentiments sont purs, sincères et intenses. Séverine admire Pierre, un homme raffiné, cultivé, un chirurgien réputé sur la place de Paris. Pierre a toutes les qualités que l’on attend d’un mari, attentionné, respectueux. Pourtant Séverine n’est pas comblée, comme déchirée. Il lui manque l’essentiel, le plaisir brut de la chair. Car l’amour qu’elle porte pour Pierre est devenu, le temps passant, platonique, sans relief, sans plaisir. Il y a en Séverine une femme bourgeoise, une femme de salons parisiens, mais aussi un double aux fantasmes inavouables qui l’effrayent, des pulsions qu’elle tente d’enfouir au plus profond de son être. Les paroles sulfureuses d’Henri Husson, un ami de Pierre qu’elle n’apprécie guère, ont réveillé la bête qui sommeille dans son corps. Husson a raconté ses sorties dans les bas fonds de Paris, ses visites régulières dans les maisons closes, notamment celle de madame Anaïs. Husson la révulse. Elle a senti son désir répugnant se pencher dans son cou, ses mains baladeuses, son haleine fétide qui pourtant, chose incroyable, lui ont donné du plaisir. Séverine ne comprend plus son cœur, ni son corps. Elle aime profondément Pierre et pourtant se sent attirée par des pulsions sales, par cette maison close dont Husson a parlée. D’abord hésitante, elle effleure le trottoir de madame Anaïs, repart, puis revient, attirée comme par un aimant par le couloir glauque qui mène vers la perdition. Sa première tentative sera veine. Effrayée par les brutes épaisses qui veulent poser leurs mains sales sur sa peau, elle s’enfuit, se réfugie dans le confort de sa vie conjugale, auprès de Pierre, redoutant que ce dernier ne sente une odeur qui la trahisse. Mais il ne voit rien et Séverine est rassurée sur ses sentiments : elle l’aime d’un amour si profond…. Son cœur est à Pierre, mais sa chair ne se calme pas : elle réclame le satin des draps de madame Anaïs, les mains grasses posées sur ses seins. Les jours passent et Séverine se présente de nouveau à la tenancière. Elle est maintenant de 14 heures à 17 heures Belle de jour. Elle apprend les rudiments de la profession, sa rudesse mais aussi le plaisir qu’elle en retire, d’autant plus puissant, d’autant plus violent que le client est brutal, sans concession…

17 heures passées, Belle de jour s’évanouit et laisse place à Séverine, l’épouse aimante, sincère qui retrouve Pierre pour une soirée tendre, un repas aux chandelles, un diner entre amis. Séverine semble avoir trouvé son équilibre, entre les lumières rouges de l’après-midi et la tranquillité d’une vie d’épouse bien rangée. De passes sordides en humiliations, chaque jour elle s’enfonce plus profondément dans ses fantasmes morbides. Et puis apparait Hippolyte, un malfrat craint dans le quartier et son acolyte Marcel, un second couteau aux dents d’or. Ce dernier tombe sous les charmes de Belle de jour et l’entraine, pour la première fois, à extérieur des murs protecteurs de chez madame Anaïs, à la découverte du monde le la pègre, un monde de règlements de compte à l’arme blanche. Séverine ne maîtrise plus sa destinée. Elle redoute le chemin tortueux qu’elle emprunte, mais ne parvient pas à faire marche arrière, cherchant, semble-t-il, encore plus de noirceur dans sa vie.
Entre deux passes, se présente à la porte de la maison close un visage autant craint que connu : monsieur Husson ! Il a reconnu Séverine. Un mot de sa part et Belle de jour sera découverte. C’en sera fini de l’amour de Pierre, de cette double-vie qu’elle aime tant. Mais Husson ne dit rien et repart. C’est de la bouche de Pierre que Séverine apprend l’existence d’un rendez-vous entre les deux hommes. Elle ne peut le supporter. Elle sait qu’Husson prend un malin plaisir à faire souffrir les gens et il la tient entre ses grosses mains ! Séverine n’a plus qu’un choix : elle doit faire appel à ses nouveaux amis, ceux du syndicat du crime, Marcel qui tient toujours un couteau à disposition. Marcel n’en demandait pas tant. Il surprend les deux amis et se jette vers Husson mais manque son coup. C’est Pierre qui reçoit dans la tempe la lame froide du cran d’arrêt. Séverine est dévastée. Pierre est à l’hôpital et Marcel en prison. Contre toute attente, Husson lui apporte son soutien. Séverine veille Pierre qui depuis quelques jours a retrouvé le lit conjugal. Mais le cerveau a été touché, et il ne peut esquisser le moindre mouvement. La femme de chambre a tout compris : elle a vu dans les journaux le visage de l’assaillant : cet homme aux dents d’or qui s’était présenté au domicile des Sérizy un après-midi, alors que monsieur Pierre était absent. Il avait demandé Belle de jour. Sa conscience lui dicte sa conduite : elle doit dénoncer sa patronne complice de la tentative de meurtre. Elle lui laisse jusqu’à vendredi, quelques jours encore avec Pierre. Hippolyte, l’associé de Marcel, réapparait : que Séverine ne s’inquiète pas : il fera le nécessaire pour que la femme de chambre ne parle pas. Mais elle doit promettre d’attendre Marcel.

Trois ans ont passé. Pierre est toujours dans un état léthargique, reposant sur un transat au soleil de la Méditerranée. Depuis que Séverine lui a tout raconté, il n’esquisse même plus le moindre sourire.

Un livre incroyable dont on ne sort pas indemne.


Ce que j’ai tenté avec Belle de jour, c’est de montrer le divorce terrible entre le cœur et la chair, entre un vrai, immense et tendre amour et l’exigence implacable des sens. Exposer le drame de l’âme et de la chair, sans parler aussi librement de l’une que de l’autre, cela me semble impossible. Je ne crois pas avoir passé la mesure permise à un écrivain qui ne s’est jamais servi de la luxure pour appâter le lecteur. » Joseph KESSEL

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