
Laurent SUTTER a milles fois raisons. Le syndrome Astérix est puissant au pays des Gaulois. Alors on s’indigne à tout va. On râle, on s’énerve, on condamne. On abuse des “inadmissibles”, des “inacceptables” dont on qualifie les autres sans bien entendu balayer devant sa porte ! On prend partie pour le faible contre le fort. On soutient le gréviste sans connaitre son histoire ou ses motivations et on condamne le patron. On applaudit le patient des urgences venus consulté pour un rhume et on vilipende les médecins qui s’occupent d’un ouvrier tombé du toit. On casse les flics (Mais que fait la police !) et on se range de côté de ces pauvres manifestants sans jamais avoir examiné la pertinece de leurs revendications. On s’érige en victime, car être victime c’est déjà avoir raison.
L’indignation, qu’elle soit de gauche ou de droite, justifiée ou injustifiée, place celui qui parle dans une situation de triomphe garanti. On ne peut pas rater une indignation ! On ne peut pas perdre, car être indigné, c’est écraser ce que l’on voit sous des principes moraux. Laurent de Sutter.
Depuis le “Indignez-vous ! ” de Stéphane HESSEL le phénomène a pris de l’ampleur. Le titre est d’ailleurs éloquent : peu importe tes tenants et les aboutissants, l’important est de s’indigner. Car s’indigner ou “être contre” c’est déjà exister. Il est plus facile de se distinguer dans la critique violente que dans assentiment. Nietzsche déjà dénonçait ces forces réactives qui ont besoin de s’opposer pour exister.
On a l’impression que les gens ne se sentent vivants qu’à partir du moment où ils ont une bonne raison de s’énerver. Et en même temps, cela les rend profondément malheureux. L’indignation, c’est une espèce de jouissance qui ne cesse de se répéter, mais sans rien changer ni à l’état du monde ni au bien-être des personnes qui les expriment. Laurent de Sutter.
On verra ainsi plus sur France Info ou ailleurs des Opposants que des experts du sujet. Et peu importe si l’écologiste de service est aussi compétent en nucléaire que Giscard l’était sur la question des pauvres. On lui donne la parole, on lui déroule le tapis rouge sans prendre aucune précaution sur la solidité scientifique de ses arguments. Alors il s’indigne ! Il voit des complots partout ! On lui cache tout ; on ne lui dit rien… Il est le pot de terre contre le pot de fer. Il est donc le gentil de l’histoire, David contre Goliath; et on l’écoute avec attention. La complicité bienveillante des journalistes est d’ailleurs condamnable.
Méfions-nous de l’indignation car elle nous empêche de réfléchir. Avant de s’indigner il convient d’étudier un sujet, de lire ce qu’en disent les spécialistes. S’indigner par exemple de la mondialisation, dire qu’elle est la cause de tous nos maux évite en effet la contradiction et nous économise un argumentaire qui aurait nécessité des heures de lecture. Qu’entend-on par mondialisation ? Celle qui permet de développer les pays pauvres ? Celle qui apporte la médecine en Afrique ? Celle qui a permis de sortir 500 millions de chinois de la pauvreté ?
L’indignation nous rend bête, parce qu’elle se présente comme une modalité d’élucidation profonde des causes secrètes du fonctionnement du monde, plutôt que de permettre l’action. On passe son temps à regarder dans le rétroviseur. L’indignation est ainsi le contraire absolu du pragmatisme. Ce qui fait qu’une grande partie de la production intellectuelle de gauche, aujourd’hui, est si ineffective. Ce sont des grands mots qu’on se passe entre initiés… Laurent de Sutter.
Indignation totale, ce que notre addiction au scandale dit de nous, de Laurent de Sutter (L’Observatoire, 141 p., 15 euros).
J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir.