
Les 150 ans de la Commune de Paris arrivant à grands pas, et Jean FERRAT n’étant plus là pour célébrer son anniversaire, il est apparu important de rappeler brièvement l’importance qu’a eu cette insurrection sur l’histoire de France et du monde.
Pour tout homme, le premier pays est sa patrie et le second c’est la France. Thomas JEFFERSON (1743-1826)
Sans la Commune de Paris, il n’y aurait sans doute pas eu de lois sur les progrès sociaux, sur la laïcité, sur l’égalité homme-femme, sur l’interdiction du travail des enfants, sur la journée de 10, puis 8 heures… Les Communards avaient inscrit dans leur programme ce que les Républiques successives feront bien plus tard et notamment la séparation de l’église et de l’État qui n’interviendra qu’en 1905 ! Mais voilà, terrorisés par la liberté, les bons Bourgeois, incarnés par Adolphe Thiers, s’empressèrent de rétablir l’ordre et la sécurité à grand coups de Chassepot.
Fallait-il que Le cri du peuple fisse peur pour que l’on effaçât volontairement des manuels scolaires toute trace de cet épisode révolutionnaire, que l’on supprimât la fonction de maire de Paris (jusqu’à Jacques Chirac), que l’on abandonnât l’idée d’une garde nationale ! Tous ces souvenirs tachés de sang, de la terreur de 1793, des barricades de 1830 et de 1848 avaient fini par onvaincre les républicains modérés, comme Jules Ferry, que Non ! décidément, on ne pouvait pas faire confiance au petit peuple lorsqu’il était prêt à mourir pour se libérer de l’autorité des rois et des curés. L’une des porte-paroles les plus inspirée de la commune fut sans doute Louise Michel à qui nous laissons bien volontiers la parole :
Montmartre, Belleville, ô légions vaillantes, Venez, c’est l’heure d’en finir. Debout ! La honte est lourde et pesantes les chaînes, Debout ! Il est beau de mourir. Louise Michel (1830-1905)
Cela faisait trois fois que le peuple tentait de renverser l’ordre établi et qu’on lui confisquait sa révolution : En 1789, d’abord, ils avait fait tomber un Roi (Louis XVI), mais on lui avait aussitôt (1804) imposé un Empereur (Napoléon Ier) puis, après la défaite de Waterloo et la Restauration de 1815, deux autre Roi (Louis XVIII et Charles X). En 1830, ensuite, il avait érigé de glorieuses barricades avant qu’ont lui vendît un Roi des Français (Louis-Philippe) et sa Monarchie de juillet. Enfin, en 1848 les mêmes causes produisant les mêmes effets : encore des barricades confisquées ! Napoléon III (dit “Napoléon-le-petit” par Victor Hugo), suite à un coup d’État, installa en 1852 un second Empire. Chaque fois, la bourgeoisie, terrorisée par les violences et les idées trop égalitaires des Rouges, parvenait à reprendre en mains les rennes du pays… En 1848, ce fut Lamartine qui exprima le mieux leur sentiment :
Car le drapeau rouge (symbole du mouvement ouvrier révolutionnaire) que vous rapportez n’a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, traîné dans le sang du peuple en 91 et en 93, et le drapeau tricolore a fait le tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie. Alphonse de Lamartine
Napoléon III tint bon jusqu’en 1870 ; date à laquelle il voulut copier son oncle en partant à la conquête de l’Europe. Dépourvu de talent militaire, il se heurta à Sedan aux troupes prussiennes de Bismarck qui, de son côté, voyait d’un bon œil cette guerre qui lui permettrait de fédérer tous les peuples allemands contre un ennemi commun et de fonder, dans la galerie des glaces de Versailles, l’empire allemand. Le second Empire s’acheva ainsi, sur cette lamentable défaite et l’installation des troupes prussiennes (19 septembre 1870) aux portes de Paris, aux portes d’une capitale déjà éprouvée par la rigueur de l’hiver et qui subissait maintenant un siège assorti de violents bombardements… Aussi l’annonce d’une possible capitulation par le Gouvernement de Défense Nationale de Trochu et de Gambetta, réfugié à tours puis Bordeaux, fut-elle vécue par les Parisiens comme une trahison.
La commune insurrectionnelle de Paris vit donc le jour sur les cendres encore chaudes de l’Empire. L’unité politique, marquée clairement à gauche, n’était pourtant pas faite : s’affrontèrent, tout au long des trois mois que dura cet épisode, les Anarchistes se réclamant de Proudhon, partisan de l’auto-gestion, les révolutionnaires proto-communistes de Blanqui, les nostalgiques des Jacobins centralisateurs de 1789, des utopistes, des Socialistes inspirés par Marx, ainsi que des Républicains modérés.
Le Paris ouvrier, avec sa Commune, sera célébré à jamais comme le glorieux fourrier d’une société nouvelle. Ses martyrs seront enclos dans le grand cœur de la classe ouvrière. Karl Marx.
La Commun de Paris de 1871 – un bref résumé
Des parisiens humiliés
Le 4 septembre 1870, est installée la IIIème République. Le Gouvernement de Défense Nationale (dominé par Gambetta qui s’échappe de la capitale en ballon) se réfugie à Bordeaux. Il annonce des pourparlers de paix. Suprême humiliation ! L’installation du gouvernement de Thiers (en février 1871, il est nommé chef de l’exécutif) à Versailles (la ville de Louis XIV) en est une autre ! Le défilé de l’ennemi dans Paris le 1er mars 1871 en est une troisième. L’élection d’une assemblée nationale où dominent les monarchistes en est une dernière. Mais ce n’est pas fini : le moratoire sur les loyers est levé, les taxes sur les artisans réinstaurées, et la solde des gardes nationaux supprimée ! Tout est prêt pour que la marmite parisienne explose.

La première escarmouche a lieu lorsque Thiers décide de récupérer les canons de la butte Montmartre. La garde nationale avait en effet pris la précaution de les mettre à l’abri des prétentions prussiennes. Le peuple de Paris, qui pense, à juste titre, avoir payé ces canons ne l’entend pas de cette oreille. Lorsque les hommes de Thiers arrivent, une foule bigarrée leur fait face. Il y a là des femmes et des enfants, des artisans, des ouvriers et des gardes nationaux qui refusent de se faire ainsi désarmer. Louise Michel prend la parole :
Puisqu’il semble que tout cœur qui se bat pour la liberté n’ait droit qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma part, moi ! Si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi ! Louise Michel.
Les soldats refusent de tirer sur la foule et bon nombre se rallient aux insurgés. Le Général Lecomte qui commande la troupe est fait prisonnier puis exécuté, malgré l’intervention du maire du VIIIème arrondissement, Georges Clemenceau. Thiers prend peur ce qui fait dire à la même Louise Michel :
On ne peut pas tuer l’idée à coups de canon ni lui mettre les poucettes. Louise Michel.
Avec cette armée incertaine, Thiers se rend compte de la fragilité de sa situation. La Capitale est maître en ses murs et commence à s’organiser. Louise Michel propose d’aller seule à Versailles pour tuer le chef de l’exécutif. La Commune (en souvenir de la Commune de Paris du 10 aout 1792) est installée le 28 mars 1871.
L’affiche rouge de Jules Vallès du 7 janvier 1871
” Au peuple de Paris, Les délégués de vingt arrondissements de Paris. Le gouvernement qui, le 4 septembre, s’est chargé de la défense nationale a-t-il rempli sa mission ? — Non ! Nous sommes 500 000 combattants et 200 000 Prussiens nous étreignent ! À qui la responsabilité, sinon à ceux qui nous gouvernent ? Ils n’ont pensé qu’à négocier au lieu de fondre des canons et de fabriquer des armes. Ils se sont refusés à la levée en masse. Ils ont laissé en place les bonapartistes et mis en prison les républicains. Ils ne se sont décidés à agir enfin contre les Prussiens qu’après deux mois, au lendemain du 31 octobre. Par leur lenteur, leur indécision, leur inertie, ils nous ont conduits jusqu’au bord de l’abîme : ils n’ont su ni administrer ni combattre, alors qu’ils avaient sous la main toutes les ressources, les denrées et les hommes. Ils n’ont pas su comprendre que dans une ville assiégée, tout ce qui soutient la lutte pour sauver la patrie possède un droit égal à recevoir d’elle la subsistance ; ils n’ont rien su prévoir : là où pouvait exister l’abondance, ils ont fait la misère ; on meurt de froid, déjà presque de faim : les femmes souffrent, les enfants languissent et succombent. La direction militaire est plus déplorable encore : sorties sans but ; luttes meurtrières sans résultats ; insuccès répétés, qui pouvaient décourager les plus braves ; Paris bombardé. Le gouvernement a donné sa mesure : il nous tue. Le salut de Paris exige une décision rapide. Le gouvernement ne répond que par la menace aux reproches de l’opinion. Il déclare qu’il maintiendra l’ORDRE, comme Bonaparte avant Sedan. Si les hommes de l’Hôtel de ville ont encore quelque patriotisme, leur devoir est de se retirer, de laisser le peuple de Paris prendre lui-même le soin de sa délivrance. La municipalité ou la Commune, de quelque nom qu’on appelle, est l’unique salut du peuple, son seul recours contre la mort. Toute adjonction, ou immixtion au pouvoir actuel ne serait qu’un replâtrage, perpétuant les mêmes errements, les mêmes désastres. Or la perpétuation de ce régime, c’est la capitulation, et Metz et Rouen nous apprennent que la capitulation n’est pas seulement encore et toujours la famine, mais la ruine et la honte. C’est l’armée et la Garde nationale transportées prisonnières en Allemagne, et défilant dans les villes sous les insultes de l’étranger ; le commerce détruit, l’industrie morte, les contributions de guerre écrasant Paris : voilà ce que nous prépare l’impéritie ou la trahison. Le grand peuple de 89, qui détruit les Bastilles et renverse les trônes, attendra-t-il dans un désespoir inerte, que le froid et la famine aient glacé dans son cœur, dont l’ennemi compte les battements, sa dernière goutte de sang ? — Non ! La population de Paris ne voudra jamais accepter ces misères et cette honte. Elle sait qu’il en est temps encore, que des mesures décisives permettront aux travailleurs de vivre, à tous de combattre. Réquisitionnement général. Rationnement gratuit. Attaque en masse. La politique, la stratégie, l’administration du 4 septembre, constituées de l’Empire, sont jugées. Place au peuple ! Place à la Commune ! “
Mais Thiers n’a pas dit son dernier mot :
Paris sera soumis à la puissance de l’État comme un hameau de cent habitants. Adolphe THIERS (1797-1877)
Il en appelle à Bismarck qui libère alors 60 000 prisonniers venant renforcer son armée. Les troupes prussiennes facilitent l’entrée des Versaillais dans Paris. Deux mois plus tard, c’est la semaine sanglante pendant laquelle les derniers insurgés sont massacrés au cimetière du Père Lachaise .

Habitants de Paris, l’armée de la France est venue vous sauver. Paris est délivré. Nos soldats ont enlevé, à quatre heures, les dernières positions occupées par les insurgés. Aujourd’hui la lutte est terminée ; l’ordre, le travail et la sécurité vont renaître. Mac-Mahon, maréchal de France et monarchiste.
La commune de Paris ne dura que trois mois mais resta dans le cœur des révolutionnaires du monde entier, à commencer par Marx et Bakhounine, qui y virent la première expérience à grande échelle des idées socialistes et anarchistes.
La Commune fut dans son essence, elle fut dans son fond la première grande bataille rangée du Travail contre le Capital. Et c’est même parce qu’elle fut cela avant tout qu’elle fut vaincue et que, vaincue, elle fut égorgée. Jean Jaurès.
2 commentaires sur “La Commun de Paris de 1871”
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